Installé dans un divan du Café Romolo, Ghislain Poirier a les traits tirés, mais demeure volubile. L’année 2006 est à peine commencée que les projets abondent déjà : soirées «Bounce le gros » en régions (le 11 février prochain au Rouje à Québec), lancement d’une compilation de remix et de bootlegs et même d’un EP qui se voudrait la suite logique de Breakupdown.
Breakupdown, l’art de la rupture…
Cinquième disque du DJ montréalais, moult critiques célèbrent la variété musicale entendue sur Breakupdown. On y retrouve en effet des sonorités hip hop, dancehall, ragga, et électro lourdes discordant des premiers efforts plus ambiants et minimalistes de Poirier. Le principal intéressé laisse toutefois entendre un tout autre son de cloche : « Avec le temps, j'ai acquis une certaine expérience technique à faire des "beats" plus frappants, plus concis. La "bass" est aussi plus présente sur Breakupdown que sur Beats As Politics. Mais c'est quand même assez minimal. » Précise-t-il avant d’ajouter : « Y'a certaines tounes qui ne comptent quand même que cinq sons si t'écoutes vraiment. C'est surtout un album où je dirais que j'ai davantage incorporé toutes mes influences afin d'en faire un tout qui va dans tous les sens. Ce n'est pas vraiment homogène, mais ça demeure cohérent. » Ce nouveau DC de Ghislain Poirier aura aussi eu l’avantage d’exposer un véritable phénomène hip hop « underground » local à un plus grand public : les MCs Jeanbart et Linso Gabbo du trio Omnikrom.
« Jeanbart et Linso Gabbo avec Ghislain Poirier, ça donne chaud »…
Secondés par leur « beatmaker » Figure 8, les rappeurs d’Omnikrom ont littéralement pris la métropole par surprise avec leur EP Futurs millionnaires s’inspirant du crunk américain et du grime britannique et sa diégétique composée de casquettes à palettes drettes, de pouliches et de magie. Bref, on est à des kilomètres du hip hop de l’Assemblée, du 83 et autres collectifs du genre. Mais comment Poirier, un DJ aux pistes souvent conscientisées comme Civil Disobedience ou Diviser Pour Mieux Régner, s’est-il retrouver à collaborer avec les rappeurs derrière des pièces de mœurs légères comme Mieux qu’ta mère et Achètes-moi?
« Je les connais depuis environ deux ans. On se voyait surtout lors de soirées » se remémore Poirier. « Puis en mars, je collaborais aux Ateliers BAP.FM en compagnie de Fred Fortin et Philippe Lambert. On avait chacun une soirée où on avait carte blanche, où on devait faire de la musique autour de thématiques et je les ai invités en plus de Séba, Montag et Vander.. Ils n'avaient pas encore beaucoup d'expérience, mais ils ont tout de même écrire une toune pour l'occasion et cette chanson là c'était Rivière de diamants. Comme ils ont bien aimé la performance, ils ont décidé de réenregistrer la pièce pour eux. Puis en juillet, j'ai fait la première partie de Buck 65 à Québec lors du Festival Off de Québec et c'est là que j'ai donné mon premier "vrai show" avec Omnikrom.
Plutôt « zen » tout au long de l’entretien, Poirier se raidit à la mention de son étiquette de disque. «Y’a toujours trop d’attente » maugrée-t-il. « Par exemple, la promotion radio pour Breakupdown a débuté lorsque l’album a été lancé plutôt que quelques semaines avant alors que la promo presse américaine, elle, n'a commencé qu'après la tournée avec Lady Sovereign! »
Une tournée qui en dépit de certaines fausses notes (Sovereign n’aurait joué qu’une pièce lors du passage à Philadelphie par exemple), demeure une expérience positive pour Ghislain : « La tournée s'est super bien déroulée au niveau des concerts, mais c'était vraiment mal organisée. » confie-t-il. Lui qui a vu son remix de la pièce Fiddle with the volume de Lady Sovereign figuré sur son EP destiné aux marchés américains Vertically Challenged, le DJ montréalais n’est pas au bout de ses surprises : « En fait, son désir c'est de mettre mon remix sur son album à paraître sur Def Jam parce qu'elle le préfère à la pièce originale. On verra ce que ça donne, mais si ça fonctionne, ça va être le jackpot! »
En attendant, Poirier lorgne non seulement d’autres étiquettes de disque, mais lance aussi des parutions indépendantes comme Bounce le remix (un « mixtape » paru en décembre de remixes et bootlegs de pièces de Busta Rhymes, Vanilla Ice, M.I.A., etc.), un nouveau EP – Rebondir – disponible qu’au Québec ainsi qu’un clip pour la pièce Don’t smile, it’s postmodern. « "J'vais l'envoyer à Musique Plus pour qu'ils le jouent une fois puis je le mettrai sur mon site web! » ajoute-t-il en s’esclaffant.